La lettre est arrivée.
Tu n'as pas eu besoin de l'ouvrir pour savoir ce qu'elle contenait. C'est ce qu'elle impliquait qui t'a coupé le souffle. Tu t'y attendais, mais sa réalité t'a percuté de plein fouet: elle était là, qu'elle soit ouverte ou non; lue ou non, ne changeait rien à sa réalité, écrasante.
Tu es resté hébété dans l'entrée la lettre à la main, tellement légère...
Ainsi l'espoir s'arrêtait aujourd'hui, tu basculais loin de la possibilité d'une autre histoire. Toi qui avait tant rêvé au prochain mieux, jonglé avec les futures et les conditionnels au point d'en oublier maintenant.
Une douche froide.
Tu posas la lettre inclinée contre le mur, là où quelques mois auparavant il y avait encore le vieux chiffonnier de ta grand-mère avec le bol pour les clés. Depuis que le brocanteur était venu les chercher tu avais arrêté d'utiliser tes clés, tu ne fermais plus, à quoi bon?
Il ne restait rien, et pourtant encore trop.
Déterminé tu vacillas pourtant devant ton lit, enfin ton matelas, ta couette et ton oreiller. Tu ne pouvais pas les emmener ils étaient trop encombrants. Tu t'y couchas, après tout, autant dormir, en profiter encore un moment. Et puis tu eus peur, peur de croire à un mauvais rêve en te réveillant, peur d'être percuté à nouveau par l'évidence, peur de ne pas avoir la force de résister à un deuxième choque du réel.
Tu te relevas.
Les nuits où tu réveillais dans la sueur de tes cauchemars, ces nuits pendant lesquelles tu étais tellement dans le présent que tu voyais dans toute son étendue ton désespoir. Tu te levais, faisait et refaisait fébrilement l'inventaire des tes maigres possessions, les organisais en listes d'importance selon ton attachement, tes besoins qui variaient chaque nuits, chaque minutes. Puis au fur et à mesure que tes sens reprenaient le dessus, que les cauchemars s'effaçaient, le conditionnel, le futur et les chimères reprenaient leurs droits. Tu remisais donc dans un coin tes listes jusqu'à la prochaine fois.
Mais là plus de conditionnel, plus de futur plus de sortie de secours, plus qu'une sortie définitive. Tu pris ton sac à dos tu y mis des choses au hasard, de toute façon il te manquait déjà tout. Tu allais partir puis tu revins sur tes pas, pris ton oreiller dans un sac en plastique, tu sortis laissant la porte de ton appartement ouverte sur le vide de ce qu'était devenu ta vie.
Puisqu'il le fallait, tu allais survivre ce qu'il en restait.