27 déc. 2016

Histoire de sentiments

Cet instant précis, où tu as dit ces mots: 

"Pourquoi?"
"C'est bon!"
"Ah bon?"
"Pourquoi pas..."

À ces mots si anodins, qui sont à toi, que tu as toujours dit avec le même regard, ce même aire qui est tellement toi, à ton insu sûrement. J'ai tout de suite compris que je ne pouvais plus, plus les écouter, ces mots que j'avais un jour chéris, plus voir cet aire, plus aimer ce regard. 

Cette evidence m'a fait paniquer, je t'ai alors embrassé(e) et je t'ai serré(e) contre moi, pour te protéger de moi, te consoler, m'excuser du mal que j'allais te faire, tôt ou tard. 

Face à tant d'effusions, tu m'as regardé amoureusement et tu m'as demandé ce qui n'allait pas. 
Je n'ai rien dit, évidement.

20 nov. 2016

Histoire de dire aurevoir

La lettre est arrivée. 

Tu n'as pas eu besoin de l'ouvrir pour savoir ce qu'elle contenait. C'est ce qu'elle impliquait qui t'a coupé le souffle. Tu t'y attendais, mais sa réalité t'a percuté de plein fouet: elle était là, qu'elle soit ouverte ou non; lue ou non, ne changeait rien à sa réalité, écrasante. 

Tu es resté hébété dans l'entrée la lettre à la main, tellement légère... 

Ainsi l'espoir s'arrêtait aujourd'hui, tu basculais loin de la possibilité d'une autre histoire. Toi qui avait tant rêvé au prochain mieux, jonglé avec les futures et les conditionnels au point d'en oublier maintenant. 

Une douche froide.

Tu posas la lettre inclinée contre le mur, là où quelques mois auparavant il y avait encore le vieux chiffonnier de ta grand-mère avec le bol pour les clés. Depuis que le brocanteur était venu les chercher tu avais arrêté d'utiliser tes clés, tu ne fermais plus, à quoi bon? 

Il ne restait rien, et pourtant encore trop.

Déterminé tu vacillas pourtant devant ton lit, enfin ton matelas, ta couette et ton oreiller. Tu ne pouvais pas les emmener ils étaient trop encombrants. Tu t'y couchas, après tout, autant dormir, en profiter encore un moment. Et puis tu eus peur, peur de croire à un mauvais rêve en te réveillant, peur d'être percuté à nouveau par l'évidence, peur de ne pas avoir la force de résister à un deuxième choque du réel. 

Tu te relevas.

Les nuits où tu réveillais dans la sueur de tes cauchemars, ces nuits pendant lesquelles tu étais tellement dans le présent que tu voyais dans toute son étendue ton désespoir. Tu te levais, faisait et refaisait fébrilement l'inventaire des tes maigres possessions, les organisais en listes d'importance selon ton attachement, tes besoins qui variaient chaque nuits, chaque minutes. Puis au fur et à mesure que tes sens reprenaient le dessus, que les cauchemars s'effaçaient, le conditionnel, le futur et les chimères reprenaient leurs droits. Tu remisais donc dans un coin tes listes jusqu'à la prochaine fois. 

Mais là plus de conditionnel, plus de futur plus de sortie de secours, plus qu'une sortie définitive. Tu pris ton sac à dos tu y mis des choses au hasard, de toute façon il te manquait déjà tout. Tu allais partir puis tu revins sur tes pas, pris ton oreiller dans un sac en plastique, tu sortis laissant la porte de ton appartement ouverte sur le vide de ce qu'était devenu ta vie. 

Puisqu'il le fallait, tu allais survivre ce qu'il en restait.

8 sept. 2015

Histoire de savoir now what?

"So now I am a Doctor", she thought leaving the stuffy room were her defense took place.
Then of course the question is "What now?" Supposedly she is among the elite.
But what does elite mean? She asked herself.
Four people are convinced she should publish a book soon and maybe she will ultimately do.
But now what? And who are these four persons? And what a publication of an obscure book on an obscure topic will bring? To whom?
Somehow even if she knew being doctor wouldn't change much in her day to day life, it was only postponing the terrible job hunt and the unemployed status, deep deep inside she wished the work Djinn would knock at her door and say: "Hey Miss Doctor, here is this position at this good university please fill out the blanks where it says "expected salary" and "beginning date" and let's go."
Of course the problem and she realized that was a key problem, she moved so much during the past months the Djinn probably got lost on the way to her home...
Also, if she had a hard time to define it, how could she expect the Djinn to know...
So maybe she should only go back "home"and the Djinn would be waiting for her.

She looked at the sky, grey promise of a rainy afternoon, she sight, opened her agenda and wrote down in the space she reserved for urgent things to do: 1) DEFINE HOME 2) FIND HOME.
And made her way to the closet MTR station.
       

31 oct. 2014

Histoire de Mosaïque


13.03.14-31.10.14
Ce qui est difficile lorsqu'on habite un peu partout, c'est qu'on éparpille des morceaux de soi un peu partout:
On est un petit peu dans l'odeur des bohinia, un peu dans le calme des arbres du campus de Xiamen, un peu sur ce caillou, ces cailloux, qui surplombent, un peu dans la vase de la mer du nord, un peu dans les céréales à la cannelle de la Migros, une peu dans la musique douce de Livresse, un petit peu dans le vent des hauts de Lausanne, un peu dans la pluie de Maine et Loire, un peu dans cette montée enneigée, en face de cette église, un peu dans les raviolis à la ricotta et artichauts, un peu dans les frijoles et les jalapeños, un peu dans cette rivière là bas au fond des bois, un peu dans l'odeur du jasmin ici et là un peu dans la pétarade de la mascleta, un peu derrière le comptoir du Sésame, celui de La Ferblanterie, dans la cuisine du Marchant de sable, un peu sur le lac gelé de Houhai, sur la Grande Muraille, un peu sur le porte-bagage d'un vélo dans les Hutong, un peu ... partout.

Un fois qu'on a commencé à se mosaiquer, pas moyens de retrouver une unité, si ce n'est celle-là, celle qu'on apprécie avec le recule pour voir apparaitre de dessin.

17 sept. 2014

Histoire de train bio


Février 2014, dans un wagon restaurant SNCF:

Elle: “Bonjour j’aimerais la soupe carotte coriandre bio, le yaourt bio et le jus de pomme bio, Merci.”… Attablée elle étudie son pot de soupe…L’employé SNCF, depuis son comptoir : “Quelque chose ne va pas?” Elle: “Non je regardais s’il y avait des additifs.”…
Repas ENTIEREMENT bio et apriori sans additif terminé, elle débarrasse sa table, sépare papier-plastique comme il se doit. Sa bouteille de jus de pomme bio en verre dans les mains, ne trouvant pas de poubelle appropriée, elle retourne vers le serveur:
Elle: “Le verre, vous le récupérez, ou il va à la poubelle normale?”
En 1980, Renaud chantait “C’est vrai que j’suis épais comme un sandwich SNCF…”
Les temps ont changé, il est certain.